Jacques Orteig
Surnommé « l’animal des Eaux-Bonnes », le guide et chasseur Jacques Orteig, né à Aas en vallée d’Ossau, (le 9 février 1834) a connu de son vivant une célébrité égale à celle des Passet dans le monde pyrénéiste.
Doté par la nature d’une robustesse et d’une endurance à toute épreuve, connaissant parfaitement la montagne, excellent chasseur et bon grimpeur, il fut très apprécié par les grands pyrénéistes de la fin du dix neuvième siècle. Si son terrain d’action de prédilection gravitait autour de sa région natale d’Ossau, il s’appliqua cependant à connaître les principaux sommets de la chaîne.
Esprit curieux et chercheur, il monta le premier au Balaïtous par l’Est et le glacier de Las Néous en 1865, avant de révéler cet itinéraire à Henry Russell qui l’utilisera en 1870.
Il réussit en 1871 la seconde ascension connue du Palas en compagnie de Robert Forster, la première ayant été réalisée en Juillet 1825 par les officiers géodésiens Peytier et Hossard dans le brouillard, en croyant monter au Balaïtous.
Sur ce même Balaïtous, il découvrit une variante plus facile sur l’arête Packe – Russell, en empruntant une brèche que l’on a baptisé depuis « brèche d’Orteig ».
Il découvrit également le passage-raccourci qui porte son nom sur le chemin du refuge d’Arrémoulit, entre lacs d’Arrious et d’Arrémoulit, passage aujourd’hui aménagé et sécurisé.
En Juillet 1864, il réussit, en compagnie de quatre clients, la première ascension nocturne du pic d’Ossau avec bivouac au sommet, bivouac agrémenté d’un violent orage et d’une pluie battante.
En 1876 il construisit sur le plateau d’Aucupat une confortable cabane refuge pouvant abriter une vingtaine de personnes et destinée à leur faciliter les ascensions des pics voisins: Ger, Amoulat, Arcizettes.
Marcheur phénoménal, Jacques Orteig réalisa le 15 Août 1871 la course Eaux Bonnes – Balaïtous – Eaux Bonnes en 19 heures en compagnie d’Alphonse Lequeutre et de Henri Passet.
L’année suivante, le 22 juillet 1872, à la suite d’un pari, il partit des Eaux Bonnes pour monter au pic de Ger, puis à l’Arcizette, au pic d’Ossau et de là, rallier Pau le tout en 18 heures trente de marche. Cet exploit lui conféra une renommée qu’il exploita pendant quelques années un peu partout en France et même à l’étranger en plus de son métier de guide qu’il continua d’exercer aux Eaux Bonnes.
Jacques Orteig est décédé le 3 Janvier 1904 à l’âge de soixante dix ans.
Merci à Gérard Raynaud, pour son aide pour la réalisation de cette page.
Mort du guide Orteig
Jacques Orteig, qui vient de mourir à Eaux-Bonnes, dans sa 70° année, eut son heure de célébrité comme guide et comme marcheur. Les performances qu’il a accomplies, non pas tant dans ses exhibitions foraines ou ses paris, mais dans ses courses inconnues dans la montagne, permettent d’affirmer que cet homme, doué d’organismes pulmonaire et musculaire spéciaux, s’il eût été soumis à un entraînement méthodique et régulier, aurait été une exception.
L’extrême endurance de ce corps légèrement courbé, plutôt maigre, mais fortement charpenté, était extraordinaire. Mais ce qui surtout était absolument remarquable chez lui, c’était sa connaissance parfaite de la montagne et sa très grande facilité de se conduire même dans les passages les plus dangereux et les moins fréquentés, par les nuits les plus noires et les plus embrouillardées. On eût dit qu’il sentait le chemin.
A vrai dire, ce n’était pas un guide pour gentilles dames ou beaux messieurs. Avec Orteig, il fallait marcher, et surtout ne pas avoir peur. Sa témérité inconsciente était un peu excessive, et relevait plus du chasseur habitué à poursuivre les isards que du guide classique et prévenant. Mais pour le véritable alpiniste qui dédaigne les funiculaires ou les sentiers battus, qui aime la montagne pour elle-même, pour les émotions qu’elle procure, il était certainement unique dans la région pyrénéenne.
Son intuition, son flair tout particulier des inconnus alpestres, faisaient de lui un aide incomparable pour la reconnaissance de pics inexplorés, ou la recherche de passages ; et je suis certain que le comte Henry Russell aura éprouvé à la nouvelle de sa mort un sentiment ému de souvenirs et de regrets.
En course, sa sobriété n’avait d’égale que sa discrétion. Arrivé à la halte, il s’éloignait de vous, s’étendait dans un creux, et là mangeait tranquillement un morceau de pain et de lard, pour se désaltérer ensuite à la première eau venue.
Il aimait la chasse et la montagne au-dessus de tout; entre les saisons, il restait seul des semaines sur les hauteurs, vivant de pain et d’eau, poursuivant les perdrix blanches et surtout les isards.
Désintéressé et serviable outre mesure, on peut dire qu’avec Jacques Orteig disparaît un des plus intrépides montagnards de la région, un guide incomparable, un bon et honnête homme.
Bulletin du CAF Janvier 1904