L'histoire du ski dans les Pyrénées
Les origines du ski
Le ski est à l’origine un moyen de transport utilisé en Suède et en Finlande. Les chasseurs préhistoriques utilisaient déjà des patins de bois pour se déplacer dans la neige. Des gravures rupestres et des skis fossilisés ont été retrouvés. Des skis conservés dans un musée à Stockholm remonteraient à 3000 ans avant Jésus Christ. Les skis de cette époque étaient constitués de deux planches de bois de longueur inégale attachées sommairement aux pieds. Le ski droit, large et court, servait pour les appuis, tandis que le gauche, étroit et long, était réservé à la glisse.
La plus ancienne association de ski a été fondée en Norvège en 1884. A la même époque, les premières compétitions ont lieu dans la province de Télémark (Les Norvégiens y mettront au point la célèbre technique du Télémark).
En 1888, le ski est révélé au monde par l’explorateur Nansen qui réussit la première traversée du Groenland d’Est en Ouest après les nombreux échecs d’expéditions Françaises et Anglaises.
L'arrivée du ski en France
Il faudra attendre la fin du XIX° siècle pour que le ski pénètre dans les Alpes Françaises.
Henri Duhamel, alpiniste de Grenoble, découvre à l’Exposition de 1878 de grandes raquettes canadiennes et de longues et étroites planchettes, qu’un exposant Suédois lui recommande pour le parcours sur la neige. Éprouvant de grandes difficultés à les utiliser, il doit attendre 1889 pour que toute une documentation sur l’utilisation de ces skis lui parvienne de Finlande.
Un Chamoniard, le Dr Payot, comprend l’intérêt de ce moyen de transport et l’utilise aussitôt pour ses visites.
En 1896, l’emploi de ces skis est suffisamment développé chez les alpinistes Dauphinois pour que puisse être fondé le premier Club de Ski Français: le « Ski Club Alpin » dont Duhamel est le président.
Au cours de l’hiver 1900-1901, le ski pénètre dans l’armée des Alpes et en 1904, le ministre de la guerre crée à Briançon l’École Militaire de Ski.
En janvier 1903, une équipe de Chamoniards conduite par le Dr Payot réalise la première traversée Chamonix-Zermatt.
Les premières hivernales dans les Pyrénées
Avant l’arrivée des premiers skis, les excursions hivernales ne dépassaient guère l’altitude de 1500 mètres et se faisaient à pied, avec la seule aide des crampons et d’un bâton ferré.
Seuls quelques grands Pyrénéistes, avaient réalisé quelques courses hivernales considérées comme des exploits:
Le 11 Février 1869, Henry Russell, Hippolyte et Henri Passet réalisent la première hivernale du Vignemale. C’est exploit est la première grande ascension hivernale effectuée en Europe.
Roger De Monts, B. Courrèges, B. et V. Paget atteignent le 01 Mars 1879 le sommet de l’Aneto (3404 m).
Le même De Monts récidive l’hiver suivant en réalisant la première ascension hivernale des Posets (3375 m) avec Célestin Passet.
Les pionniers de l'histoire du ski dans les Pyrénées
Henri Sallenave (22 ans) de Pau, ayant lu dans les journaux des articles sur l’existence du ski en Norvège, commande à la Manufacture de Saint-Etienne une paire de skis et ses accessoires: peaux de phoque, bâtons. Il les reçoit le 03 novembre 1903. Laffargue, menuisier à Pau, fabrique d’après ce modèle une deuxième paire de skis.
Le matériel est très sommaire: il est constitué de deux planches de frêne et de lanières pour fixations. Les planches sont démesurément longues et atteignent jusqu’à 2 m 40. Le bâton est unique, très long également (environ 2 mètres). A une des extrémités, il est équipé soit d’une large raquette ronde, ou comme un piolet qu’il peut remplacer. La chaussure est le soulier de montagne de l’époque; le godillot pourvu de gros clous.
Le 07 décembre 1903, Louis Falisse, d’origine belge, violoncelliste au Palais d’Hiver à Pau, emprunte les skis de son ami Sallenave. Conquis, il commande trois paires de skis. En compagnie de ses amis Cintrat et Larregain, il fait les premiers essais au Gourzy et à la Coume d’Aas: c’est le début de l’histoire du ski dans les Pyrénées.
Le 27 décembre, Falisse et Larregain effectuent le premier tour complet hivernal du Pic du Midi d’Ossau.
Louis Robach, ayant appris l’existence des skis, en commande à son tour deux autres paires. Il les reçoit le 26 décembre.
Le 30 décembre au matin, il part pour Cauterets avec Cintrat et un ami de Toulouse: Aubry, effectuant ainsi la première excursion hivernale à ski dans la région de Cauterets. Ils montent au lac de Gaube, ou ils passent trois jours dans la remise de l’auberge. Le 31, ils font les premières traces de ski sur le lac de Gaube.
Voici le récit de cette excursion par Robach:
« La traversée de Cauterets avec ces engins encore inconnus dans les Pyrénées ne se fait pas sans provoquer une vive curiosité. On s’approche ; on questionne. L’un prend les skis pour des piquets de tente, l’autre pour des accessoires photographiques. Un guide plus malin, explique à d’autres que c’est pour glisser sur la neige, en se les attachant derrière le dos… ! Tous les quinze ou vingt pas, je suis obligé de me reposer, ainsi la nuit vient ; elle nous surprend. Enfin, à sept heures un quart, le toit noir de l’auberge apparaît. J’ai mis trois heures un quart pour venir du Pont d’Espagne au lac de Gaube, alors que quarante minutes suffisent en été.
Le lendemain, traversée du lac complètement glacé, une excursion vers le haut de la vallée, et retour vers Cauterets. La descente est agrémentée de nombreuses chutes, si nombreuses que je finis par enlever les skis ! j’en fais un traîneau portant mon sac et je continue à pied ! Au Pont d’Espagne, arrêt pour photographier la cascade coulant au milieu des glaçons énormes. La passerelle jetée sur la chute du Marcadau est littéralement comblée par la neige qui dépasse le parapet de trente centimètres. Ce coin de la vallée est vraiment merveilleux avec sa parure d’hiver ; il ne manque qu’un rayon de soleil pour qu’il soit féerique, à tel point que nous trouvons le moyen d’arriver en retard à Cauterets. Fort heureusement, Cintat ayant annoncé notre arrivée imminente, le chef de gare à l’amabilité de retarder le départ du train de six minutes pour nous attendre. » ( Marcellin Bérot – L’épopée du ski aux Pyrénées).
Les grands sommets à skis
L’année 1904 débute dans les Alpes par un exploit sensationnel: l’ascension du Mont-Blanc à skis le 22 janvier.
« Robach ! On vient de faire la première du Mont-Blanc, je compte sur vous pour la première du Néthou » écrit Falisse à Robach quelques jours plus tard. Le rendez-vous est pris pour Pâques suivant…
Le 04 avril 1904, Aubry, Robach, Falisse, Maurice Heid et le docteur Basset de Toulouse partent de Luchon à 2 heures du matin. 12 heures plus tard ils arrivent skis aux pieds au port de Venasque, puis à l’auberge de Cabellud ou ils passent la nuit.
Le lendemain, c’est le départ au clair de lune. Le docteur Basset ne part pas et le 05 avril 1904 à 10 heures, Aubry, Robach, Falisse et Heid sont les premiers skieurs à atteindre le sommet de l’Aneto.
Sous l’impulsion de ces pionniers du ski, les autres grands sommets invaincus en skis vont commencer à tomber.
Le 15 mai 1904, Louis Falisse, Donnay, Cintrat et Bourdil arrivent au Vignemale. Après être montés à ski aux grottes de Cerbillona, à 3200 mètres, ils poursuivent ensuite à pied à toute crête, depuis le pic du Clôt de la Hount jusqu’à la cime de la Pique Longue.
Le 01 janvier 1905, le Palois Henri Sallenave monte à l’observatoire du Pic du Midi.
Dés 1905, le Mont-Perdu est l’objet de premières tentatives d’ascension à skis; d’abord par Tuquerouye, puis par la brèche de Roland. Finalement, cette première est réussit le 06 juin 1906 par Louis Falisse, Ludovic Gaurier, Louis Robach et Porter.
Dès les hivers suivants, le ski est adopté comme un simple jeu d’hiver. C’est ce que Ludovic Gaurier appelle « le ski pour s’amuser ». L’usage du ski se généralise grâce au Club Alpin Français, et à la Société des Excursionnistes du Béarn.
Louis Falisse, se lance dans la construction de skis. Il dépose la marque « Isard » , conçue avec un système d’attaches à courroie et un antidérapant destiné à remplacer la lourde peau de phoque. Le prix est de dix huit à vingt deux francs selon la taille du ski.
Les premiers concours internationaux
Les 11 et 12 février 1907, le Club Alpin Français organise le premier concours international de ski au Mont Genèvre. Le deuxième se déroule à Chamonix du 03 au 05 janvier 1908.
Dés 1908 des compétitions de ski sont organisées chaque année dans les Pyrénées. La première a lieu à Payolle le 02 février 1908 à l’initiative de Louis Le Bondidier.
En 1909, se déroule aux Eaux-Bonnes, le deuxième concours international des Pyrénées. Des skieurs Norvégiens, Suisses et Italiens retrouvent les concurrents Français et se mesurent dans différentes épreuves: descente, bobsleigh, saut à ski.
A l’occasion de ces grandes rencontres et de la venue des champions étrangers, les Pyrénéens qui skient en utilisant le bâton unique pour freiner en s’appuyant dessus, découvrent la méthode Norvégienne : » C’est en descente qu’on peut apprécier cette méthode, les skis serrés l’un contre l’autre, les genoux souples et élastiques, le corps droit » (La Montagne-Mai 1909). Toutefois, le ski pyrénéen se limite encore, pour l’essentiel, à la pratique du ski de fond et du saut au tremplin.
L’hiver 1910, Les Eaux-Bonnes et Cauterets organisent le quatrième concours international. Une équipe militaire Norvégienne, quatre équipes Italiennes, quinze équipes Françaises y participent.
Les premières stations des Pyrénées
Les stations thermales, notamment les Eaux Bonnes et Cauterets tiennent une place essentielle dans la promotion du ski dans les Pyrénées. Outre leur renommée internationale, ces stations présentent l’avantage d’offrir une importante capacité d’hébergement, des routes d’accès bien entretenues et, pour Cauterets, son chemin de fer électrique fonctionnant à l’année.
En 1912, à Luchon, c’est l’inauguration du petit train à crémaillère qui monte à 1800 m sur le plateau de Superbagnéres. C’est la première remontée mécanique des Pyrénées. L’hôtel de Superbagnères, véritable palace pour l’époque, commence à sortir de terre. Il sera ouvert dans les années 20.
En 1913 à Font Romeu, le grand Hôtel ouvre ses portes à une richissime clientèle, qui, à 1600 m d’altitude vient goûter aux joies des sports d’hiver: patinoire, piste de luges, cours avec moniteur.
La domination des Pyrénéens
Après la grande guerre, le docteur Lacq de Nay est président de la Fédération Française de Ski; son collègue, le docteur Jean Arlaud de Toulouse, préside la Fédération Pyrénéenne (jusqu’à sa mort en 1938). Ils organisent de grands concours dans les Pyrénées qui révèlent de grands champions.
Les premiers Jeux Olympiques d’hiver, organisés en janvier 1924, à Chamonix, donnent naissance à la Fédération Internationale de ski.
En 1931, aux championnats de France à Villard-de-Lans, les Pyrénéens triomphent au slalom:
1°: Maurice Lafforgue de Luchon
2°: François Vignole de Barèges
3°: Robert Villecampe de Nay
4°: René Lafforgue de Luchon
Au concours de saut, le premier français est Maurice Lafforgue (16 ans) qui se classe cinquième derrière les spécialistes Norvégiens et Suisses.
En 1932 et 1935, François Vignole est champion de France de descente. En 1935, il est champion du monde de slalom.
Maurice Lafforgue devient champion de France en 1937.
En 1950, Henri Cazaux est sacré champion de France de slalom spécial. En 1956, May Lafforgue devient championne de France de slalom.
Il faut attendre 1962 pour que la Paloise Annie Famose remporte le championnat de France de slalom géant, et 1963 celui de descente et de slalom spécial à Barèges. En 1966, aux championnats du monde de Portillo au Chili, elle remporte quatre médailles: l’or au slalom spécial, l’argent au combiné, le bronze en descente et au géant.
En 1968, aux J.O de Grenoble, elle gagne trois nouvelles médailles: l’argent au géant, le bronze au slalom spécial et au combiné. A ces même jeux de Grenoble, Isabelle Mir de Saint Lary s’octroie l’argent à la descente.
Cette belle récolte de titres pour le ski Pyrénéen prendra fin en 1970 aux Championnats du monde de Val Gardena en Italie; Isabelle Mir s’offre l’argent à la descente, tandis que la Luchonnaise Ingrid Lafforgue (fille de May et Maurice Lafforgue) empoche la médaille d’or et le titre de championne du monde de slalom.
L’épopée du ski aux Pyrénées
Bibliographie
L’epopée du ski
Yves Ballu
Si le ski est aujourd’hui un sport et un loisir plébiscité par un grand nombre de passionnés, son histoire reste entourée de mystères. Moyen de transport rustique et indispensable à la survie des montagnards, le ski est devenu en quelques décennies un accessoire sophistiqué au service des sportifs. De son invention préhistorique aux premiers champions olympiques, cette épopée illustrée recense les aventures étonnantes de ceux qui sont à l’origine du ski moderne. Peintures rupestres, illustrations fantaisistes du XVIe siècle, affiches de promotion des sports d’hiver… cette histoire du ski regorge de documents étonnants.
Une histoire du ski
Gilles Chappaz
Dans ce livre, les auteurs, Gilles Chappaz et Guillaume Desmurs, s’appuient sur leur profonde connaissance historique et sur leur passion sans faille pour raconter le ski.
« Plutôt que d’emprunter les boulevards déjà bien tracés de l’histoire, nous avons flâné sur les bords de pistes en racontant autrement cette longue aventure de deux planches de bois si intimement liée à la grande histoire : depuis les steppes de la Sibérie jusqu’aux courbes les plus modernes, en passant par les personnalités étonnantes, le développement des stations ou l’apparition du monoski. »
Par doubles-pages, le lecteur progresse de façon chronologique dans le champ de bosses d’une incroyable saga. Le texte entre à chaque fois dans le vif du sujet par une porte d’entrée intimiste, souvent décalée. En face, une photo ou un document marquant, issus d’une importante recherche iconographique. Le ski comme on ne l’a jamais raconté.
Une histoire du ski
Franck Cochoy
Ce livre raconte l histoire du ski contemporain à partir de l histoire d un ski, le ski en aluminium. Cette histoire commence au lendemain de la Première Guerre mondiale lorsque les industriels de l aluminium, à la recherche de nouveaux marchés, s intéressent à la société des loisirs et y rencontrent un de ses objets «phare» : le ski. Elle connaît son apogée dans les années 1960 avec comme acteurs principaux les marques Dynastar, Rossignol, Head ou Aluflex et les champions Emile Allais, James Couttet ou Jean Vuarnet qui sont les ambassadeurs du ski métallique en aluminium. Par la suite, d autres matériaux viennent s agréger et parfois supplanter, dans un mouvement de «coopétition» (coopération et compétition), l aluminium qui a néanmoins permis l émergence des skis «composites» d aujourd hui. C est ainsi une histoire emblématique que relate l auteur car le ski en aluminium constitue en quelque sorte le chaînon manquant entre le ski en bois des origines et le ski actuel d essence «composite». Aborder le ski à partir de l alumium, matériau de la modernité, apporte ainsi un éclairage passionnant sur près d un siècle d histoire tant dans le domaine des pratiques sportives que dans celui des procédés de fabrication. Franck Cochoy, spécialiste de la sociologie des marchés, nous livre avant tout un récit passionnant où se côtoient sportifs chevronnés ou amateurs, artisans, industriels, ingénieurs tous réunis dans la recherche de l innovation et du «mieux glisser». L épopée du ski en aluminium est mise en scène dans un beau livre de grand format, avec reliure et jaquette, largement agrémenté de photographies inédites en couleur et noir et blanc.