L'histoire de la conquete des Posets
Moins haut que l’Aneto, moins célèbre que le Mont Perdu, le « vice-roi » des Pyrénées a longtemps été délaissé et mal aimé.
Même sa première ascension, réalisée à la sauvette par des pyrénéistes qui n’écrivaient pas, ne fut pas connue immédiatement.
C’est le 6 août 1856, que le britannique Halkett, guidé par les luchonais Pierre Redonnet et Pierre Barrau, atteignait le sommet de la punta de Lardana, ou pic des Posets.
Ils sont montés probablement par l’est et le lac de Baticielles, tout comme fera la caravane de la seconde ascension emmenée par une autre étoile filante du pyrénéisme, l’anglais Berhens.
La troisième ascension, en 1861, eut pour auteur Charles Packe qui avait décidé d’attaquer le pic par le nord, où il espérait trouver une voie plus directe que celle de ses deux prédécesseurs ; les circonstances firent qu’il se trouva malgré lui sur l’itinéraire de l’est et du plateau des lacs. La rimaye du glacier fut difficile à franchir et les trois grimpeurs, n’ayant pu choisir leur point d’attaque, furent dans l’obligation de gravir le mur terminal au plus mauvais endroit. Packe, fort surpris, ne trouva au sommet aucune trace de ses prédécesseurs.
C’est le 12 juillet 1863 qu’ Henry Russell prit contact pour la première fois avec le Posets ; ayant passé la nuit dans le val d’Estos, il monta avec un berger vers le lac de Bardamina d’où il put rejoindre le vallon de Paoul et inaugurer ce qui allait devenir pour longtemps la voie d’accès quasi obligée pour le sommet. Enthousiasmé par le panorama, « la vue la plus splendide des Pyrénées » dira t’il, il laissa son compagnon à la descente pour rejoindre Eristé au sud-est, où il arriva à la tombée de la nuit.
Russell devait revenir au Posets en 1875 : le 29 juillet, il pénétrait dans la vallée de Gistain par le port de Clarabide en compagnie du guide Firmin Barrau. Le lendemain, cherchant un chemin par l’ouest, ils montaient par le vallon du Clot, le glacier de Lardana, et la longue arête qui les mena au point culminant. C’est l’itinéraire qu’empruntent aujourd’hui les montagnards séjournant au refuge de Viados.
Un mois plus tard, François de Chantérac, guidé par le jeune Célestin Passet, suivait les traces de Russell après avoir passé la nuit dans une des granges de Viados ; mais à la descente il devait faire œuvre de pionnier en suivant « une gorge excessivement étroite et rapide, descendant en droite ligne jusqu’à la partie supérieure de la vallée d’Eristé. » : c’est la Canal Fonda qui deviendra célèbre sous un autre nom.
Début septembre, Chantérac, au cours d’une conversation avec le comte Russell, devait apprendre qu’il avait inauguré une voie nouvelle … qui attendait désormais son premier parcours à la montée.
Franz Schrader vint au Posets en 1878 (le 12 août), montant par Viados et descendant par Estos ; il travaillait à sa belle carte au 100.000°.
En janvier 1880, Roger de Monts, venant de l’Aneto, réussissait, avec le guide Dominique Courrège, la première ascension hivernale du Posets, avant de rentrer à Luchon par le port d’Oo : « aucune difficulté, neige ferme, panorama du Posets immense ; la descente du port d’Oo sur la neige, grandiose ; une impression de bien-être physique et moral extrême. »
Manifestement les conditions avaient du être très bonnes pour ces hommes qui n’étaient équipés ni de skis ni de raquettes.
Revenons en été et à la voie méridionale parcourue à la descente par François de Chantérac ; l’heure de sa montée a sonné.
La première véritable ascension du Posets par la Canal Fonda devait avoir lieu, le 9 août 1883, et c’est le docteur Adolphe Mony qui se l’adjugea en compagnie de son épouse N. – première dame au Posets -, de monsieur du Bourdage, un de leurs amis, des guides et porteurs Pierre et Firmin Barrau, et Pierre Bajun.
Venant eux aussi de Luchon par Vénasque, ils avaient campé la veille dans la vallée d’Eristé. Levés à trois heures du matin, ils se mettaient en route rapidement et s’adjoignaient au passage un berger qui, sans mot dire, devait les accompagner jusqu’au sommet. Après une halte déjeuner à sept heures, ils parviennent au pied de la crête des Tucas : « Quand on l’a dépassée, on laisse vers l’ouest sud ouest une autre crête un peu plus basse, mais aussi hérissée, et l’on s’engage en marchant au Nord Ouest dans une gorge étroite, tristement enfermée entre de raides parois chauves;(…) La neige commence presque aussitôt, garnissant toute cette gorge d’un blanc tapis d’une demi lieue, qui monte d’une pente égale et douce. (…) La neige arrive à un petit cirque ou, si l’on veut, un demi entonnoir couronné des arêtes qui vont converger au Posets. On appuie sur la droite pour en gravir le fond ; les pentes, rayées de débris, se redressent peu à peu. On laisse à gauche, dans une coupure du cirque, un col neigeux plongeant sur une gorge profonde, et l’on monte vers une tête qui semble être la cime – les guides le laissent croire pour vous donner courage – mais qui, hélas, n’est encore que le premier ressaut de son arête. De là, lorsqu’on se retourne, la gorge qu’on vient de monter présente un aspect très farouche. »
A onze heures trente la caravane se regroupe sur le sommet et se rassasie de l’immense vue qu’aucun nuage ne trouble.
Le passage des frères Cadier (14 août 1902) fut marqué par un temps très menaçant qui abrégea leur séjour au sommet ; montés par la vallée de Millares et le versant ouest, ils aboutirent aux environs du col des Pavots d’où ils atteignirent le sommet par de belles neiges, un grand névé et des rochers faciles. Malheureusement l’orage grondait et les obligea à décamper: « Nous maugréons contre le Posets : sa forme manque décidément de poésie ; et son sommet nous a offert, au lieu du panorama si vanté, le plus vaste des Pyrénées, une vue plus bornée que tous nos autres pics. » Retour précipité et trempé jusqu’à leur campement par l’ouest et le vallon du Clot.
Le 10 août 1905 vit le premier parcours de la crête Espadas – Posets mais à l’envers, c’est-à-dire dans le sens Posets – Espadas ; c’est Louis le Bondidier (le fondateur du Musée Pyrénéen de Lourdes) et son ami Louis Camboué, guidés par Jean-Marie Sansuc, qui s’adjugèrent cette première. Montés par la voie normale de la muraille de Paoul, ils descendirent donc par cette arête aérienne, une des plus élevées des Pyrénées, pour parvenir les premiers sur le sommet de l’Espadas.
Huit ans après, le 5 septembre 1913 exactement, Juli Soler Santalo, monté par la vallée d’Estos et le col de Paoul avec Antonio Puyo, était le premier espagnol à fouler la cime du vice roi des Pyrénées.
Ce n’est qu’en 1914 que le Posets fut atteint depuis l’Espadas ; le 2 juillet, Henri Brulle, son fils Roger, Henri Motas d’Hestreux et leur guide Germain Castagné se trouvaient de bon matin au col d’Eristé d’où ils attaquèrent le long parcours qui devait les mener au sommet du Posets. L’orage éclata alors qu’ils se trouvaient en vue de l’Espadas ; malgré les récriminations du guide, ils continuèrent dans le brouillard et connurent quelques émotions au passage de la zone des corniches. Ils arrivaient finalement sur la cime du Posets à 17h40 d’où ils descendirent par la Canal Fonda qui y gagna ce jour-là son nom français : « Notre route était si belle et si blanche, le temps s’étant subitement éclairci, que nos l’appelâmes la Rue Royale. » (Henri Brulle)
L’arête nord du Posets – celle qui depuis le col de Gistain monte au sommet en passant par les pics jumeaux et la brèche Carrive – fut parcourue au début du vingtième siècle sans qu’une date précise puisse être proposée. Son premier vainqueur pourrait être Paul Loustallot, mais Georges Ledormeur s’y essaya lui aussi avec succès.
Jean Arlaud et son « Groupe des Jeunes » fréquentèrent beaucoup le Posets, et leur apport à la connaissance du massif est important ; en ce qui concerne le sommet proprement dit, il faut signaler la première ascension du Triangle, petite paroi entre arêtes sud et sud-est, réussie le 12 juillet 1922 par Jean Arlaud, Raymond d’Espouy et Jean Maigné.
Autre première, plus prestigieuse, le 5 septembre 1924. Ce jour-là, Jean Arlaud, Raymond d’Espouy et André Monégier s’attaquent au couloir de glace qui monte depuis le glacier de Llardana (glacier ouest) jusqu’au col ouvert sur l’arête Espadas – Posets. Arlaud en tête taillait des pas dans la glace pendant que d’Espouy et Monégier l’assuraient de leur mieux en recevant stoïquement la mitraille des glaçons. Ce fut un rude combat qui leur demanda 3h30 d’efforts avant de pouvoir fouler le col qui devait devenir le col Jean Arlaud. Montant pour finir au sommet du Posets, ils escaladèrent au passage les deux petites aiguilles de schiste dressées sur la crête.
Le 26 juillet 1927, en deux cordées, (Arlaud-d’Espouy-Guiraud et Fosset-Mothe-Barrué) les campeurs du Groupe des Jeunes atteignaient le sommet nord du Posets par sa face nord depuis le glacier de Paoul ; continuant vers le sommet sud, ils descendaient par la Rue Royale, escaladant au passage la dent de Llardana. Jean Arlaud déclara bien haut que cette voie d’ascension par la face nord était la plus belle.
André Armengaud et J. Guilbaud devaient s’adjuger quant à eux la petite arête sud-est le 8 août 1955. Ils y trouvèrent un assez mauvais rocher.
Mais il manquait au Posets une paroi répondant aux canons de l’escalade moderne et du pyrénéisme d’avant-garde. C’est à Jean et Pierre Ravier que devait revenir le mérite d’en doter le second sommet de la chaîne ; en 1974, lors d’un long parcours de crêtes entre le pic des Pavots et le col de Gistaïn, ils avaient remarqué la muraille de Llardana. Ils la revirent plus tard depuis plusieurs sommets voisins ; elle se présente comme un triangle dont la base repose sur le glacier de Llardana et dont le sommet constitue la crête sommitale du Posets.
Le 28 septembre 1980, remontant avec leur ami Michel Souverain le vallon du Clot depuis Viados, ils s’encordent sur le glacier et attaquent la paroi à peu près en son milieu. Quelques longueurs faciles mènent à une partie plus raide puis à une arête-pilier où l’escalade est très difficile avec des prises rares et arrondies, parfois fragiles. Arrivant sur une plate forme, ils sont dominés par une dalle d’ardoise qu’ils doivent contourner par une lame verticale. Il ne leur reste plus alors qu’un couloir de 15 mètres avant de déboucher au sommet de la paroi, d’où une fine arête de schiste rouge raide et aérienne d’abord, puis facile ensuite, les mène au sommet nord, puis au point culminant atteint à 17 heures.
Le Posets possédait enfin, grâce à eux, un itinéraire de haute difficulté et de saine varappe.
Merci à Gérard Raynaud, pour son aide pour la réalisation de cette page.
Bibliographie
Les Posets inconnus: Carnets
Publiés bien imparfaitement et sans photos,de manière confuse dans Ascensions,ouvrage rassemblant les écrits d’HenriBrulle, père du pyrénéisme de difficulté,il était temps de publier intégralement ces deux carnets décrivant l’itinéraire pendant trois étés du père et de son fils dans cette région méconnue qu’est le massif des Posets (Pyrénées espagnoles). Le second carnet, très émouvant, se termine brutalement en juillet 1914… C’est la guerre. Roger n’en reviendra pas. Perdant son fils unique, fou de douleur, Henri ne reviendra jamais dans les Pyrénées…